V

endredi matin, réveil en fanfare. God. Non pas que j’ai dormi énormément parce que je devais finir ma chronique mais tout de même. Pis j’ai un de ses maux de crâne, ce qui signifiait que je n’avais pas assez dormi. Allez Sash’ on se motive et on se lève. Je m’extirpai du lit en balourdant couette, drap et tout ce qui s’ensuivait sur mon chien qui dormait paisiblement par terre. « Oups, désolée Pollux. » Je sortis en trombe de la chambre parce que j’étais en retard. Enfilant mon tee-shirt avec mon pull violet, je manquai de tomber à la renverse sur mon chat qui faisait sa toilette. Putain, c’est les animaux against Sasha ou quoi ? Rien à foutre, j’irai quand même bosser et je contournerai le complot. Sales bêtes. Les écureuils sont aussi dans le complot pour prendre le monde, je suis certaine. Je mis un certain temps à retrouver mes collants, mon short pour m’habiller, je laissai mes cheveux pendouiller le long de mes épaules avant d’attraper mon mug thermos plein de café et chercher mon Blackberry. Je regardai mes messages avant d’avoir un rappel parce que l’informaticien venait aujourd’hui réparer mon ordinateur. J’ai envie de dire, il était temps. D’ailleurs, je vais lui en toucher deux mots à celui-là. C’est quoi cette manie de faire attendre les gens trois semaines ? Il allait se prendre mon pied au cul bien pressenti. J’attrapai mes bottines à talons et ma veste en cuir marron, sortant de l’appartement, de mauvaise humeur.

Bien entendu, je ne restai jamais bien longtemps de mauvaise humeur. C’est une de mes rares qualités. Je passe vite à autre chose parce que bon, il ne faut pas rester négative, positivons. Georges est doux, Georges est frais. Je soupirai pour partir à pied, resserrant mon écharpe autour de mon cou pour ne pas attraper une pneumonie, buvant de grandes gorgées de café. J’arrivai vite au bureau et je balançai ma clope par terre pour pénétrer dans l’enceinte du journal, saluant mes collègues au passage. « Hé, Sashouille, tu pourras me donner des détails sur le… » Je n’écoutais pas la suite, je lui disais qu’on se retrouverait à la machine à café à dix heures puisque cet imbécile d’informaticien devait venir vers onze heures. Tous des fainéants ces geeks. Moi qui ne savais même pas brancher un appareil éléctroménager sans faire sauter le courant mais c’est surement due à ma grande maladresse non ? Nouveau soupir tandis que j’entrai dans mon bureau où trônait un bordel sans nom. Emballage de fast food, trois ou quatre mugs de café, des papiers qui volaient et au centre mon ordinateur qui trônait tel l’empereur de ses lieux. Je donnai un coup de pied dans la tour avant de revoir mes notes, lunettes sur le nez pour voir que dix heures arrivaient bien trop vite à mon goût. Je partis donc rejoindre Callum devant la machine, échangeant avec lui des détails d’une affaire mal vue dans le village depuis les récents accès de violence, plaisantant même sur certains sujets tandis que la secrétaire vint me chercher.

« Sasha, y’a l’informaticien qui est là pour toi. » Je soupirai avant de me lever pour la suivre à l’étage du dessous où devait l’attendre la mocheté à lunettes (idée préconçue sur les geeks). Mais quelle fut ma surprise quand de loin, je le reconnus. Merde. Killian. Bon dix ans à passés donc que je ne pense pas qu’il me remette mais je sentis quand même la boule se réveiller au creux de mon estomac. Saleté d’ulcère. Je serrais les dents. On va dire que je ne l’ai pas reconnu. Je vérifiai ma tenue avant de me souvenir que je portais un short très très mini. Oups. Tant pis, il ferait avec. Je m’approchai donc de lui avant de lui tendre la main. « Merci d’être venue. Je suis Sasha Murdoch, si vous voulez bien me suivre s’il vous plaît. » Nullement perturbée (et surement due à mes quatre années de théâtre), je tournai la tête lui foutant un coup de crinière dans la gueule pour avancer sur mes talons hauts en m’arrêtant même pour reprendre mes affaires qui étaient restées auprès de Callum. « Hum, mignon le petit informaticien. » Ai-je oublié de préciser que Callum était gay ? Je haussai le sourcil avant de regarder Killian par-dessus mes lunettes toujours pencher par-dessus le fauteuil les mains posées sur les épaules de mon ami. « Pas mon genre. Je ne mange pas de cette viande là. En parlant de manger, tu m’accompagnerais manger tout à l’heure ? J’ai envie de prendre l’air un peu. » Sur ses dires, je fis signe à mon ami d’enfance de me suivre pour l’emmener dans mon bureau, toujours en bordel. C’est là que je me souvins qu’il était maniaque. Quel dommage ! Ou pas. « Je ne comprends pas mais cette saleté de machine ne veut pas marcher. J’ai tout essayé mais visiblement elle consiste à vouloir me pourrir la vie. A croire qu’elle s’est mise de mèche avec tous mes ex petits copains. » Je m’assis sur mon bureau en croisant les jambes, allumant une cigarette, lui lançant un sourire hautement narquois. Pauvre con, tu viens d’atterrir en Enfer. Je suis rancunière et j’ai attendu dix ans pour manger ma glace. Alors, j’allais la lécher lentement et la savourer longuement. Un vrai délice. J’en salive d’avance…

P

our comprendre l’état dans lequel je suis, il faut remonter le temps. Dix ans plus tôt pour être exact. Que je vous explique, j’habitais encore à Londres à l’époque avec mes parents. Normal puisque j’étais très jeune. Quatorze ans. Ma mère était très amie avec une femme un peu bizarre qui avait un fils et ce fils se prénommait Killian. Je suis tombée amoureuse de lui dès que cela a été possible. En gros dès que j’ai voulu avoir un petit copain, enfin dès que mes hormones me l’ont permis et du coup, j’ai fait une sorte de transfert sur lui. Cela aurait pu être mignon si je n’avais pas fait soixante-cinq kilos pour un mètre cinquante. Maintenant, je fais cinquante-cinq kilos pour un mètre soixante-dix-huit, quatre-vingt, les médecins ne sont jamais d’accord et quand je suis allée le voir pour lui dire que je l’aimais (ce qui était vrai.) le premier amour est souvent le plus fort. Il m’a ri au nez en me lançant des atrocités. Il faut dire que j’ai été bien stupide. M’attaquer à un geek de trente ans qui est incapable de chopper une fille et se branle sur une greluche aux jambes interminables. Si je savais qu’il était en ville… ? Non, je l’ignorai bien entendu. Je l’ignorai jusqu’à ce que la secrétaire du journal ne vienne me chercher pour me dire qu’il était arrivé. Un regard, un seul a suffi à ce que je me souvienne de lui. Je n’ai pas eu peur. C’est moi la greluche aux jambes interminables. Je ne pensais pas que la nature pourrait contribuer à un retournement de situation comme celui-ci mais elle a bien fait. J’ai eu dix ans pour penser à ma vengeance… Il est temps de la mettre en œuvre n’est-ce pas ?

Tandis que je traversai les bureaux, saluant mes collègues, la tête haute en sachant très bien qu’il allait baver sur mon physique et surtout sur mes jambes, je l’invitai à venir dans mon antre pour m’asseoir sur mon bureau en croisant les jambes. Je le détaillai alors, tirant quelque peu sur ma cigarette en faisant la comparaison d’avec son ancien physique. Il était plus musclé, moins squelettique d’avant et l’air innocent qui m’avait fait craquer chez lui avait disparu. Dommage. Mais ses yeux bleus étaient toujours aussi perçant tandis que je m’arrêtais sur ses cheveux décolorés. Ah, superficialité. Un léger sourire m’échappa tandis que je le regardai se baisser sous mon bureau. Ah ouais quand même, jolies fesses. Mais bon, dommage que je le déteste tant. Je l’entendis rire tandis qu’il se relevait et je constatai que mon ordinateur s’allumait. Mais what the… ? « Avoue, que tu voulais me revoir, ou tu n’as pas fait exprès de savoir que la prise était mal-branchée ? » Je me tournai vers lui les jambes toujours croisées avant de plisser les yeux, fronçant le nez en faisant comme ci je ne l’avais pas reconnu. Après tout dix années avaient passées, il était plausible que je l’ai oublié non ? Je passais une main dans mes cheveux avant d’écraser le mégot. « Pardon mais je ne vois pas du tout de quoi vous voulez parler… Fais exprès de quoi ? Monsieur… ? Vous ne m’avez même pas dit votre nom. Et je crois qu’il y a méprise. » Stupide et insignifiant macaque, je n’allais faire qu’une bouchée de toi et cette fois-ci tu ne me lâcherais pas des obscénités à la figure. Goujat.